Mon ami Edgar - Claudine Douville

Il y a de ces gens qu’on croit immortels, qui sont tellement grands dans leur vie qu’on les pense au-dessus de la mort. Que cet appel de l’au-delà ne les concerne pas. Pour moi, Edgar Théorêt était l’un d’eux. Apprendre qu’il était malade fut un choc, apprendre son décès, une commotion.

Edgar était un homme de famille, d’amitié et de passions. Mais Edgar était avant tout un visionnaire. De professeur d’éducation physique qu’il était, à entraîneur de natation et président fondateur de l’Association des entraîneurs de natation du Québec, il est ensuite devenu directeur général de la Fédération de natation du Québec, sport qu’il affectionnait entre tous. Après y avoir travaillé pendant plus de vingt ans, il a mis sur pied, en 1991, le Panthéon des sports du Québec. « Pour que notre histoire sportive vive », disait-il. Aujourd’hui, plus de deux cents athlètes et bâtisseurs y voient leur nom briller, leurs exploits assurés de ne pas tomber dans l’oubli parce qu’un jour Edgar Théôret en a décidé ainsi.

C’était très difficile, voire impossible de résister à Edgar quand il vous demandait quelque chose. Comment refuser à un homme qui lui-même n’était pas avare de son temps et toujours prêt à faire avancer une cause qu’il estimait juste? Mais on n’avait tout simplement pas envie de dire non à Edgar. C’est ainsi qu’il a toujours su embarquer des gens avec lui dans ses projets les plus fous. Il a déjà joué 100 trous de golf dans une journée – c’était un excellent golfeur – au profit de la sclérose en plaques. Il a couru un cinq kilomètres pour la Fondation du cancer du cerveau. Il a été président d’honneur de la Classique Alexandre Lecavalier, atteint de la maladie de Crohn. Edgar, c’était le don de soi. C’était faire passer tout le monde avant lui-même. Parlez-en à Mariette son épouse, qui aura dû partager son compagnon de vie avec mille et une causes, mille et un galas, mille et un athlètes. Mais c’était ce qui définissait l’homme et c’est ce cœur surdimensionné qui l’aura un jour séduite.

Edgar aura toujours une place bien particulière dans le mien. C’est avec lui que j’ai décrit ma toute première compétition sportive, un rendez-vous de natation tenu au PEPS de l’Université Laval, dans les années 80. Je ne pouvais avoir meilleur mentor à mes côtés. Sa présence rassurante, cette petite étincelle qui allumait ses yeux quand il souriait, cette assurance tranquille qui émanait de lui m’ont certes donné la confiance nécessaire pour poursuivre plus loin. Nos chemins se sont croisés fréquemment par la suite et c’était toujours un plaisir que d’échanger avec lui.

C’est difficile, voire impossible, de réaliser qu’il ne sera plus là. Jamais. Que le prochain gala du Panthéon se fera sans lui. Qu’il ne grattera plus la guitare pour ses petits-enfants. Que nous ne ferons jamais cette sortie en kayak que nous nous étions promise, une passion que nous avions en commun. Comme le disait sa fille Nathalie, « c’est un gros morceau qui part ». Le vide que laisse Edgar est à la mesure de la grandeur de l’homme. Nous perdons aujourd’hui un bâtisseur, un guide, un ami. Sa famille perd un homme irremplaçable. Sachant ses jours comptés, son plus cher désir était de passer le temps des Fêtes avec son arrière-petit-fils, William, à peine âgé de quatre mois. Il y sera parvenu et même si William n’en gardera pas un grand souvenir, tous ceux qui étaient autour de lui se chargeront de lui raconter la richesse du moment dans les années qui viendront.

Un seul rêve sera demeuré inaccessible pour Edgar. Celui de voir le Musée du Panthéon des sports prendre forme. Je ne doute pas que ce sera fait un jour. Il a suffisamment fait de bruit autour de son projet, suffisamment tiré de ficelles, suggéré des avenues, proposé des solutions pour qu’un jour quelque chose émane de tout ça. Et de là-haut où il est, il gardera un œil là-dessus sans aucun doute! Ce musée devra lui réserver une place d’honneur, parce qu’il en assumera la paternité posthume.

À Mariette son épouse adorée, à Nathalie et André, ses enfants, à ses six petits-enfants et au petit dernier William, sincères condoléances et meilleures pensées de tendresse. Toute la communauté sportive est à vos côtés et je pleure avec vous un homme apprécié, admiré, aimé.

Claudine Douville
Tiré du site de RDS
vendredi, 9 janv. 2015